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Bulletins du club

La mer de Wadden, entre villes et bateaux historiques

Harlingen, flanquée sur la côte, tout au nord de la Hollande, au-delà de la fameuse digue hollandaise Afsluitdijk qui relie les provinces du sud à la Frise, une région battue par les vents du nord. Cette petite ville historique attend impatiemment les marins venus du large, comme une bouée de sauvetage bienvenue dans cette région qui met à rude épreuve les amoureux de la mer. Jusqu’en 1850, c’était un port de pêche à la baleine. On y partait pour rejoindre le Groenland et revenir les cales remplies de ce mammifère marin. Aujourd’hui, le port s’est tourné vers l’expédition de laitage à destination de l’Angleterre. C’est aussi un grand centre de pêche à la crevette, notamment la crevette grise, spécifique à la région. Au petit matin de ce 20 juillet, une partie de l’équipage du Cruising Swiss V, qui était parti une semaine auparavant de Emden est relevé par les nouveaux matelots. Le temps est maussade, qu’importe. Les gens du coin savent que cela ne va pas durer ils connaissent la chanson. Tout passe très vite ici. Quelques heures plus tard, la météo leur donne raison. Le soleil apparaît timidement au début, puis de plus en plus.

À 15h, le départ est imminent. Amarré le long d’un canal, le Cruising Swiss V a hâte de mettre les voiles, il faudra pourtant être patient car on ne sort pas quand bon nous semble. Il faut attendre que les ponts veuillent bien se lever pour libérer ces taureaux de mer. Une fois libérer, leur fougue, mélangée au vent qui s’abat d’entrée sur eux, ne permet plus de faire machine arrière. En avant toute, par vent arrière, avec uniquement le génois. Le bateau file à 6 nœuds. Nous voici dans le Waddensee, un endroit atypique où l’eau est peu profonde et les bancs de sables omniprésents. Il faut donc suivre à la lettre le balisage qui donne le tournis au navigateur du jour. Sur notre route de nombreux bateaux historiques zigzaguent majestueusement toute voile dehors. Un paysage d’un autre temps. Nous mettons le cap sur l’Ijselmeer, une mer intérieure entièrement créée par la construction de la digue. Cette digue a été construite par l’homme pour se protéger de la menace des eaux et préserver les terres qu’ils ont difficilement gagné sur la mer. Pour accéder à cette mer intérieure, les premières manœuvres d’écluses se précisent et évidemment le vent forcit. Chacun attend comme il le peut, l’entrée devant l’écluse Lorentz, à l’est de la digue, est de plus en plus encombrée. Les feux indiquent qu’il faut se préparer. Vert ! Ça y est c’est la ruée. Chacun pour soi pour avoir une place dans l’écluse. Et ça crie, ça manque de se toucher. L’écluse refermée, les esprits se calment, jusqu’à la sortie où les voiles sont immédiatement hissées pour ne pas perdre une minute. Et voici un formidable terrain de jeu, une mer par très profonde mais où les fonds sont réguliers, aucun danger de toucher. Chacun y va de son bord et le Cruising Swiss V pique sur Stavoren, tout comme Harlingen une ville historique.

Ah ! Je ne vous ai pas raconté l’histoire des villes historiques de la Frise ? Ça en vaut le détour aussi. Les Romains quand ils ont débarqué dans le nord, dans la région de la Frise, ils ont donné le statut de ville à onze petits villages : Harlingen, Franeker, Leeuwarden, Workum, Sneek, Bolsward, Sloten, Stavoren, Hindeloopen, Ijlst et Dokkum. Depuis ce temps-là, aucune autre ville ne peut avoir le statut de ville, même si en terme d’habitants elles sont plus peuplées et plus importantes.

Au deuxième jour de notre périple, nous voici donc dans une des onze villes, Stavoren. En ce dimanche de juillet, fait rarissime, le vent a décidé de nous abandonner. Les températures grimpent très vite, alors on s’occupe comme on peut. Quelques manœuvres de port, d’hommes à la mer, une tentative tout de même pour hisser le spi, après une heure de préparation et vingt minutes de navigation au spi, Eole nous fait bien comprendre que ce n’est pas la peine d’insister. Retour au port et départ, à pieds, pour visiter la ville.

Le lendemain, départ pour Enkhuizen, de l’autre côté de l’Ijselmeer. Mais nous avons besoin du moteur car le vent est toujours aux abonnés absents. On visite ce charmant village où un musée en plein air retrace la vie d’antan. Puis, en fin d’après-midi on retraverse en sens inverse l’Ijselmeer pour rejoindre Hindeloopen, une autre ville. L’entassement des bateaux dans l’avant-port est impressionnant. Des grappes de cinq-six bateaux à couple rendent les manœuvres difficiles. Les premiers arrivés n’ont pas d’autre choix que d’attendre le départ des derniers arrivés. On préfère pendre l’option du port. D’autres, pour éviter l’agitation des pontons ont préféré se mettre à l’ancre. Le temps est calme et une très légère brise vient rafraîchir la journée qui a été caniculaire.

Le lendemain, on décide de rejoindre la haute mer et on retraverse la digue, mais cette fois-ci par l’écluse ouest de la digue, l’écluse Stevin. Direction Texel, la plus grande des îles des Wadden. Une belle journée de navigation où les airs de fin de journée nous ont permis d’exercer nos virements de bord. Un toute les cinq minutes ! Comme les Hollandais ont l’habitude de naviguer tôt le matin et de rentrer tôt au port, tout le contraire de nous, nous nous retrouvons à chaque fois devant un port bondé de bateau, petits et grands, voire énormes avec les trois mâts des bateaux historiques. Nous nous mettons donc au mouillage devant l’île de Texel. Au programme du soir : baignade pour les amateurs et apéro pour tous.

L’avant-dernière halte de notre périple nous a amenés sur l’île de Terschelling, une autre île des Wadden. Longue de 28km, elle a pour particularité d’être composée de larges plages de sables, de hautes dunes, d’avoir des prés salés, d’abriter des centaines d’oiseaux. C’est la partie de la canneberge par excellence. C’est aussi la patrie de Willem Barents (1555-1597), navigateur qui cherchant à atteindre l’Inde par le nord de l’Europe, a découvert la Nouvelle-Zemble en 1594 et le Spitzberg en 1596. La partie de l’océan Arctique qui s’étend entre ces deux archipels porte son nom : la mer de Barents. Notre navigation est à nouveau soumise aux lois du balisage pour ne pas risquer de toucher un banc de sable. Un dédale de bouées latérales s’offre à nous, tel un serpent de mer qui n’en finit plus. Et une rouge, une verte, une rouge, une verte, une cardinale, un danger isolé pour changer et hop quatre heures après nous voici devant Teerschelling. On cherche un endroit pour échouer le temps d’une journée et profiter d’être stable pour monter au mât et réparer l’anémomètre qui ne fonctionne pas. Dernier soir avant le retour au bercail. La navigation du retour a pu se faire en partie à la voile avec à la clé de nombreux virements de bord pour bien rester dans le chenal. Au bout du 10ème on est aguerri. Mais ce petit exercice n’est pas du goût de tout le monde, notamment d’un Allemand qui au moteur nous fonçait droit dessus. Il était inconcevable pour lui qu’on puisse naviguer à voile dans un chenal, alors vu qu’il venait sur notre tribord, il s’est dit qu’il avait la priorité. Ça a un peu chauffé !

Pour le comité du CCS Groupe Lémanique,
Sandra Giampetruzzi, équipière

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